Mon père est lui aussi entrepreneur, féru de philosophie pratique et de sciences humaines. En tant que grand fan de ses 3 fils, il s’intéresse toujours à ce qu’on fait.
Les thèmes de ma formation, la productivité, la gestion du temps, la définition d’objectifs, ça le connaît. Il est bien versé sur le sujet.
“Ça avance, j’ai presque terminé !”, je lui répondis, enthousiaste et prêt à en découdre (je le connais maintenant, et je sentais bien qu’il allait me challenger).
“Bon, et elle apporte quoi de plus que les autres, ta formation ?" enchaîna-t-il, cash, mais l’air de rien. Il voulait souligner par là qu'il y en a déjà un paquet.
Je lui donnai mon avis sur la question : les méthodes de productivité s’attardent toujours sur les outils, les techniques et négligent l’essentiel : l’individu.
L’individu, c'est-à-dire : ses forces, ses faiblesses, ses aspirations, ses motivations intrinsèques, son “pourquoi” profond.
Si bien souvent nous délaissons nos objectifs, c’est par manque de sens. C’est parce que nous ne sommes pas alignés avec notre véritable mission, avec une vision alignée avec nos valeurs.
Le problème de cette déconnexion est qu’elle engendre frustration et épuisement. Sans un "pourquoi" clair, nos "quoi" et "comment" perdent tout sens.
Nous passons notre temps à appliquer des pansements sur des jambes de bois avec des nouveaux systèmes, outils... Alors oui, ce travail introspectif est difficile, mais il n’y a pas de raccourci, il faut entrer en soi.
Comme l'a dit Imran Amed, le fondateur de Business of Fashion, que j’ai reçu récemment sur le podcast :
"La première étape pour réaliser ses objectifs, c'est de s'arrêter, pour apprendre à se connaître profondément. Parce que, sans savoir quelle est ta passion, tu ne sauras pas quels sont tes talents, tu ne comprends pas quels sont tes besoins en tant qu'être humain. C'est alors impossible de réaliser ses objectifs."
Je lui avais tendu la perche ! Mon père hocha la tête et me parla à bâtons rompus de l'Ikigai, cette philosophie japonaise selon laquelle la vraie satisfaction et le sens de la vie proviennent de l’alignement entre ce que l'on aime, ce que l'on sait faire, ce pour quoi on peut être payé et ce dont le monde a besoin.
Il illustra cela avec une histoire de deux tailleurs de pierres du Moyen Âge...
L'un, assis sous un soleil de plomb, frappait sa pierre avec désintérêt. Lorsqu'un passant lui demanda ce qu'il faisait, il répondit avec lassitude : "Je taille des pierres. C'est ennuyeux et sans fin."
Non loin de là, un autre tailleur, malgré la sueur qui perlait sur son front, travaillait avec enthousiasme. À la même question, sa réponse fut éclatante : "Je contribue à construire une majestueuse cathédrale qui survivra à des générations et qui servira de maison à la foi et à l'espoir de milliers de personnes."